Levées aux aurores, nous sommes gelées et transies dans le train qui nous amène à Chartres. On sommeille les bras croisés en essayant de nous réchauffer un peu. En arrivant dans la cathédrale majestueuse, nous sommes éblouies par son intérieur blanc presque virginal avec les vitraux extraordinaires qui la parent. Nous en faisons le tour en silence en s’imprégnant de l’atmosphère qui en découle. France et moi allumons un petit lampion en mémoire de personnes chères disparues.
Anne, pleine de dévotion et de bonne volonté, allume un énorme lampion. Problème : impossible de le faire entrer dans l’espace prévu. Elle insiste, force un peu, le cale… mais rien à faire, il penche lamentablement par derrière. Toujours ingénieuse, elle tente de le stabiliser avec un cierge. Résultat : le lampion bouge toujours, et on frôle la tour de Pise version liturgique. Je dis ã France qui essaie aussi tant bien que mal de l’aider.
— « Mets-le par terre, au moins il ne tombera pas. »
Et tout d’un coup, j’ai une image en tête : Aux nouvelles du lendemain, l’animateur qui annonce : « Incendie majeur à la cathédrale de Chartres. Trois femmes ont été vues sur les caméras de surveillance et sont actuellement recherchées. Si vous reconnaissez une de ces femmes, veuillez en aviser immédiatement la police. »
« Finalement Anne, pas une bonne idée. Va mettre ton gros lampion là-bas avec les autres. »
Une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Point final.
On quitte pour poursuivre notre périple du jour en sautant dans le petit train touristique et se faire brasser pendant 35 minutes. On zigzague dans les ruelles, à l’écoute des informations données par le conducteur à la voix d’or.
De retour sur le parvis de la cathédrale, nous décidons de prendre notre déjeuner dans un restaurant tout près, restaurant touristique pour les pèlerins qui viennent d’un peu partout puisqu’on entend les gens discuter dans plusieurs langues. Au moment de l’addition, le serveur nous offre généreusement quatre bonbons enveloppés. France, pleine de confiance, en déballe un, le met dans sa bouche… et le recrache aussitôt, l’air traumatisé :
— « Ark? On dirait un croisement entre une pastille Fisherman’s Friend et du sirop Buckley ! »
Je le sens et effectivement, cela ne donne pas du tout envie d’y goûter. Anne, intriguée, le hume à son tour. D’un geste fluide, elle remet discrètement le bonbon dans son emballage d’origine et sur le plateau du serveur. Ni vu, ni connu.
Un petit côté d’Anne qu’on ne connaissait pas : l’art de la contrebande sucrée.
On sort et on profite du temps qu’il nous reste pour nous promener dans les ruelles du centre-ville. Finalement, une journée qu’on n’oubliera pas de sitôt.